Histoire de la Guerre Chimique
Sommaire
Chapitre 1 : Bref rappel de l'usage des produits chimiques
Chapitre 2 : La guerre chimique au Vietnam
Chapitre 3 : La dioxine
Chapitre 4: Les effets sur l'environnement
Chapitre 5 : Résultats des analyses de la dioxine
Chapitre 6 : Conséquences sur la santé de l'homme
Chapitre 7 : Inventaires des conséquences
Epandage des défoliants.
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Chapitre 5 : Les conséquences de la guerre chimique: les résultats
des analyses de la dioxine du sol, de la nourriture et des tissus humains.
Analyser la quantité de dioxine restant dans l'environnement et chez
les êtres vivants est important, pour étudier les conséquences
de la guerre chimique en général et celles de l'utilisation de
l'Agent Orange en particulier, pour plusieurs raisons: premièrement,
la dioxine persiste tr ès longtemps tandis que les herbicides se désintègrent
rapidement, d euxièmement, l'analyse de la dioxine aide aussi à
déterminer celles des régions encore contaminées par cette
dernière, contribuant à l'établissement des mesures de
nettoyage et de protection pour la population et les animaux domestiques et
sauvages.
Mais ce travail d'analyse de la dioxine est difficile:
- Dans le monde entier il y a seulement environ une douzaine de laboratoires
reconnus - Le coût de l'analyse de chaque échantillon varie de
1.000 à 3.000 dollars US
- De plus, il faut rappeler que, en comptant depuis 1971, 30 ans ont passé;
c'est à dire, 4 à 5 fois la demi-vie de la dioxine. Donc, dans
le travail de diagnostic et de traitement, nous ne devrions pas considérer
la dioxine comme le seul critè re, mais utiliser de nombreuses méthodes
d'étude différentes, comme l'épidémiologie.
Dans les années passées, grâce à la coopération
internationale, environ 4.000 échantillons ont été analysés.et
les résultats de ces études ont été publiés
au Viet Nam et dans d'autres pays, et ont été rapportés
dans de nombreux livres et revues scientifiques..
5.1 Les laboratoires pratiquant les analyses de la dioxine :
Des scientifiques et des laboratoires des USA et Pays Bas, de Finlande, d'Allemagne
de l'ouest, du Canada, Japon et France ont participé à l'examen
des échantillons provenant du Viet Nam
5.2 Résultats d'analyses de dioxine dans la terre et la boue de
rivière :
Selon des documents américains, il est estimé qu'un total de
170 kilogrammes de dioxine fut vaporisé sur le Sud du Viet Nam durant
la guerre chimique. La surface vaporisée fut de 10.400 kilomètres
carrés, selon des estimations américaines, ou de 30.100 kilomètres
carrés, selon des estimations de l'Institut de planning forestier.
Sur la foi de chiffres américains, si l'enti ère quantité
avait été régulièrement vaporisée, alors
la concentration estimée de dioxine (2,3,7,8-TCDD) dans la terre serait
en moyenne 25 pg/g (environ 3 à 5 fois le taux maximum trouvé
en Europe ou Amérique du nord). Onze é chantillons de terre prélevés
dans la forêt de Sat près d'Ho Chi Minh Ville, ont montré
des concentrations de 1 à 33 pp/g (soit 5 à 7 fois les taux de
pays industrialisés).
Les boues des rivières, des lacs et des mares, seraient les lieux de
forte concentration de dioxine et en 1985-86 des analyses ont montré
d ans la boue de quelques grands cours d'eau (comme la Dong Nai, qui traverse
la ville de Tan Uyen) que la dioxine n'est plus retrouvée, mais dans
un échantillon de boue d'une branche de la rivière Saï Gon,
il y avait encore, en 1985, une forte concentration (210 ppt, soit 20 à
30.000 fois le taux trouvé dans des rivières américaines).
En 1990, sur 121 échantillons de terre et 8 de boue de rivière,
provenant de 9 régions et de 3 rivières différentes du
Sud Viet Nam, il y eut 25 échantillons qui montraient encore de la dioxine,
mais la plupart étaient à des taux pas trop élevés
(30-40 ppt; le taux le plus haut étant 59 ppt, soit 4.000 à 6.000
fois le taux trouvé en Amérique du nord ).
Cependant, il est important de noter que certains "points chauds"
sont toujours fortement contaminés par la dioxine: anciens aéroports,
quais, aires de stockage et les endroits où l'Agent Orange était
chargé dans des avions avant les missions de vaporisation.
Autres lieux, qui peuvent être fortement contamin és, ceux où
les avions ont eu des accidents sur le trajet de la vaporisation , ou parce
qu'ils furent abattus ou parce que pour quelque autre raison, ils devaient larguer
leur chargement entier, soit environ 3.700 litres sur seulement 1 ou 2 hectares
(la concentration habituelle était de 28 litres/ha).Dans quelques régions,
le tauxde dioxine peut être donc 100-150 fois plus élevé
que dans d'autres régions.
Conclusion
En 1990, 20 ans après la fin de la guerre chimique, beaucoup d'échantillons
de terre provenant du Sud ne révélaient pas de trace de dioxine
ou des taux bas..
Dans l 'environnement général, à l'exception de ces "points
chauds" mentionnés ci-dessus, qui n'ont pas pu être étudiés
soigneusement, les taux de dioxine ne sont pas assez élevés, pour
justifier un nettoyage (basé sur les standards internationaux de 1 ppb,
soit 1.000 ppt).
La disparition relativement rapide de la dioxine de l'environnement peut être
expliquée par le climat tropical, la géographie et la topographie
du Sud, l'existence de fortes marées, dont l'influence est ressentie
jusqu'à 70-80 km à l'intérieur des terres. Grâce
à ces conditions, après 20 ans ou plus, la majorité de
la dioxine du sol a été détruite, en partie par les rayons
ultraviolets du soleil, et en partie parce qu'emportée par les eaux vers
la mer.
5.3 Résultats des analyses de dioxine dans les produits alimentaires
Pour pénétrer dans l'organisme humain,la voie principale est
digestive, par l'intermédiaire de la nourriture (en particulier, poissons,
crevettes, viande et produits laitiers).
En 1973, juste quand la guerre chimique prit fin, il y avait une forte concentration
de dioxine dans les produits d'eau douce et d'eau de mer au Viet Nam: de 18
ppt à 814 ppt, avec une moyenne de 297 ppt (soit 15 à 870 fois
- en moyenne 250 fois - le taux trouvé aux USA).
En 1986, les concentrations ont grandement décru (0,26 à 5,65
pg/g, soit, normales ou 5 fois la norme américaine).
Des r ésultats d'analyses montrent que, jusqu'à 1990 (année
de publication de la recherche), le pourcentage de dioxine dans les produits
alimentaires d'usage quotidien au Viet Nam n'était pas plus élevé
que celui trouvé dans ceux d'autres pays.
L'étalon établi par l'Organisation Mondiale de la Santé
de consommation quotidienne de dioxine est de 10 pg par kilogramme de poids
corporel. Etablissant le poids corporel moyen au Viet Nam de 50 kg, le taux
acceptable est 500 pg par personne par jour.
En 1973, quand la guerre chimique se termina juste, les produits alimentaires
dans le Sud étaient fortement contaminés par la dioxine . La quantité
de dioxine ingérée quotidiennement (19.990 à 117.830 pg/personne/jour)
était de 40 à 235 fois le taux acceptable é tabli par l'OMS
.
En 1986, l'absorption quotidienne (14,15 à 51,9 pg/pers/j) est plusieurs
fois inférieure au taux admissible reconnu.
5.4 La dioxine chez les animaux sauvages
En 1986 aussi, deux échantillons de tissus provenant d'animaux sauvages
(une tortue et un serpent) attrapés dans ce qui, pendant la guerre, était
appel é la zone de guerre D, montrent des taux 20 à 70 fois ceux
d'animaux de pays industrialisés, au niveau du foie et des ovaires. Cependant,
c'est la quantité trouvée chez les animaux qui ont vécu
un temps relativement long , peut-être depuis la fin de la guerre , rampant
sur un sol contaminé par la dioxine, mangeant des insectes et des vers,
dans une région qui avait été fortement vaporisée.
5.5 La dioxine dans l'organisme humain
En vue de trouver la preuve des effets nuisibles à long terme de l'Agent
Orange sur la santé des êtres humains, il est important de pouvoir
mesurer la quantité de dioxine des organismes de ceux qui ont été
en contact avec les produits chimiques toxiques.
Les analyses commencèrent en 1970-73 puis après 1984, sur les
effets de l'empoisonnement par la dioxine, de la population, divisée
en deux groupes: soit des gens vivant dans les zones vaporisées avec
les produits chimiques au Sud, soit des travailleurs gouvernementaux, des soldats
et des volontaires jeunes, nés dans le Nord mais combattant sur les champs
de bataille du Sud durant la guerre.
Des analyses de dioxine furent faites sur des échantillons organiques
divers: tissus graisseux, lait, sang, avec toutes les précautions d'usage
de prélèvement et conservation.
5.5.1 Le pourcentage de dioxine dans les tissus graisseux :
Dans 149
échantillons de graisse, la dioxine apparaît dans 2 (12%) des 17
tests faits dans le Nord et la concentration moyenne de dioxine est 1,7 ppt.
Dans le Sud, la dioxine apparaît dans 94 (83,3%) des 114 échantillons
et la concentration moyenne est 17 ppt.
Les découvertes importantes de cette recherche sont:
- Dans le Sud, en plus des gens vivant dans les régions vaporisées,
la population qui n'a jamais subi la vaporisation mais a passé la guerre
dans Ho Chi Minh Ville, a aussi de fortes concentrations en dioxine. Preuve
supplémentaire que la dioxine pénètre l'organisme avec
la nourriture apportée depuis les zones pulvérisées vers
les villes.
- La concentration de la dioxine augmente avec l'âge. La population au-dessus
de 40 ans a des concentrations plus élevées que les gens jeunes.
- Enfin, la concentration de dioxine varie selon la Province; les habitants
des provinces plus fortement vaporisées ayant des concentrations plus
élevées.
5.5.2 Pourcentage de dioxine dans le lait maternel :
En 1970, la concentration
de dioxine dans le lait maternel était très élevée
, atteignant 484 pg par gramme de lait, avec un maximum jusqu'à 1.450
pg/g (ppt) dans les lipides, plus de 400 fois celui des USA, et le taux le plus
élevé jamais mesuré dans n'importe quel endroit du monde.
En 1973, des échantillons prélevés dans les mêmes
r égions montraient une brutale diminution en dioxine, à une moyenne
de 131 ppt, soit environ 37 fois celui de l'Amérique du nord, avec une
fourchette de 0 à 270 ppt. En 1985-88, les taux des échantillons
du Sud sont encore trois à six fois plus élevés (15 à
20ppt) que ceux d'échantillons du Nord.
En 1998, dans une étude OMS, les taux de dioxine dans le lait maternel
au Viet Nam sont encore plus élevés que dans de nombreux pays,
y compris des pays industrialisé s. Ceci est une tragédie, parce
que tandis que la charge de dioxine chez la mère diminue, elle est transfé
rée à l'enfant. Et quel est le destin des enfants qui ont bu du
lait contaminé par la dioxine ?
5.5.3 La dioxine chez le foetus : Trois échantillons de tissu
hépatique prélevés de foetus atrocement déformés
qui moururent avant la naissance à l'hôpital de Song Be et à
l'hôpital Tu Du (Ho Chi Minh Ville) ont montré un taux de dioxine
dans les lipides de 1,3 à 3,5 ppt , donc pr ésence de dioxine,
passée de la femme enceinte au foetus, à travers le placenta.
5.5.4 La dioxine dans l'organisme des anciens combattants du Nord :
Durant
la guerre, de nombreux jeunes du Nord furent mobilisés et servirent dans
les zones vaporisées pendant de nombreuses années.1 Après
la guerre, ils retournèrent vivre avec leurs familles dans le Nord, non
contaminé. Dans une étude d' échantillon mélangé
de tissus graisseux , provenant de 10 anciens combattants, qui allèrent
au Sud, le niveau de dioxine était de 8,1 ppt, comparé à
un niveau de 1,4 ppt pour ceux qui ont toujours vécu au Nord, non vaporisé
par les herbicides.
En 1991-92, une nouvelle étude, basée sur un échantillon
mélangé identique, provenant de 33 autres vétérans,
qui combattirent au Sud, montra aussi un taux plus élevé de dioxine
(une moyenne de 6,1 ppt), en comparaison avec celui de personnes, toujours restées
dans les régions d'Hanoï, Thanh Hoa et Quang Binh (2,4 ppt).
5.5.5 La distribution de la dioxine par région : Parce que la
dioxine n'était pas vaporisée régulièrement sur
tout le Sud, il y eut quelques régions qui furent lourdement pulvérisées
et d'autres ne le furent que légèrement. Des mesures de taux de
dioxine dans le sang de nombreuses personnes d'un groupe du même âge,
vivant dans la même région, depuis une longue période de
temps, eu utilisant la technique des mélanges (1 à 3 ml de sang
par personne, provenant de 30 à 100 personnes) ont été
faites.
En janvier 1995, 43 échantillons ont été examinés
(regroupant un total de 2.722 personnes), montrant des concentrations de dioxine
(2 à 15 fois) et de QET (40 à 100 fois) plus élevées
au Sud qu'au Nord et ces taux sont en rapport avec la quantité de produits
chimiques pulvérisé e. Les concentrations les plus élevées
sont dans les aéroports de Da Nang , Bien Hoa et Tra Noc et deux sont
dans les régions fortement vaporisées de Tan Uyen (dans Song Be)
et A Luoi (dans Thua Thien Hué)
Les régions avec des concentrations basses de dioxine sont celles qui
furent légèrement vaporisées, y compris les Provinces du
delta du Mékong de Chau Doc, Long Xuyen, Can Tho (la ville), Rach Gia
et la partie sud de la région centrale : Nha Trang et Phan Rang.
Enfin, la durée de séjour dans une région semble être
significative
Une remarque importante pour Tay Ninh, Province lourdement vaporisée
où, à part un échantillon provenant de Hoa Thanh, tous
les prélèvements sanguins, mélangés à partir
de 400 personnes résidant dans Tay Ninh depuis longtemps, montrent des
taux bas de dioxine allant de 1 à 7 ppt. Bonne nouvelle pour la population
de Tay Ninh, peut-être dûe à la structure d'un sol alluvial,
dans lequel la dioxine ne peut pas pénétrer facilement .
Conclusion :
Des analyses d'échantillons de sang humain, de lait et de tissus graisseux
montrent toutes que les personnes, qui ont été exposées
à la dioxine durant la guerre, ont des concentrations de dioxine nettement
plus élevées que les taux trouvés chez les résidents
des régions du Nord qui n'ont pas été concernés
par la guerre chimique.
Comparés aux taux de dioxine mesurés par des scientifiques américains
durant la guerre (1970-73), les taux de dioxine dans le corps humain sont maintenant
bien plus bas, mais cependant, ils restent plus élevés que les
taux trouvés chez les gens des régions du Nord, non pulvérisées
et que ceux trouvés dans les pays développés, industrialisés.
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