Témoignages
29-04-2008 Enfants vus dans le sud.
10-11-2007 Partout où je vais
09-11-2007 J'etais née ...
13-06-2006 Solidarité : soirée à Meylan ... (Isère)
23-02-2006 Voyage à Phu Ly
02-10-2005 Nguyen Thanh Tung (autobiographie)
Traduction française
18-05-2005 Le cœur d'une mère
(English version available)
18-05-2005 Mon histoire
29-03-2005 Histoire de Trân thi My Quyên
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Mon histoire Khanh Vân (filleule)
[18-05-2005] 19h50. Le train S3 se met en marche doucement et s'éloigne lentement de HaNoi pour se diriger vers le Sud. Je sens en moi un mélange de joie, de tristesse et d'excitation, car c'est la première fois que je pars loin de ma famille, et plus encore c'est un voyage pour une compétition sportive.
Après 38h de trajet, quand le chef de train annonce que le train S3 est déjà à l'entrée de HoChiMinh-Ville, je suis submergée d'une excitation indescriptible. A tel point que même après l'arrêt du train, bien installée dans le car loué par l'équipe hôte pour nous amener à notre lieu de résidence, je n'arrive pas encore à croire que nous étions déjà à Saigon. On me taquine :' Qu'as-tu donc pour avoir ce visage d'égarée ''. Nous avons juste une journée pour nous reposer. Dès le lendemain, 15/10, tout le groupe doit venir s'entraîner pour reprendre possession de nos moyens, et pour nous habituer au climat de Saigon. Chaque jour on a deux entrainements : le matin de 6h00 à 8h00 et l'après-midi de 16h00 à 18h00. Le temps restant est pour les réunions du groupe et les affaires personnelles. On n'a presque pas le temps de visiter SaiGon, et c'est dommage car pour beaucoup de nous, nous sommes ici pour la première fois. Si on veut aller quelque part, on doit s'arranger pour avoir le temps et avoir la permission de l'entraîneur, et on doit lui promettre de se garder en forme. Le premier soir de notre arrivée, je suis douchée par la pluie mais heureusement sans conséquence jusqu'au jour de la compétition, le 19/10. Ce jour là je dois participer à deux épreuves : d'abord soulever les poids à 11h puis saut en longueur à 14h. Avant chaque épreuve, je m'efforce de me relaxer en sortant pour encourager mes coéquipiers. Ensuite je dois subir la première épreuve, et en moi-même je trouve que le résultat est moins bon prévu. Initialement je dois participer au saut en hauteur et au saut en longueur, mais comme brusquement le comité d'organisation a abandonné le saut en hauteur pour les malvoyants, on m'a orientée vers le soulèvement des poids, et sur cet exercice je n'ai eu que 3 séances de pratique (dès le lendemain de notre arrivée) : je ne suis donc pas trop découragée, mais plutôt fatiguée par l'attente et la participation à l'épreuve sous le soleil ardent de Saigon. Après ma participation, je dois retourner tout de suite à notre logement (distant du stade de 10 km) pour déjeuner et prendre un peu de repos. A ce repas je n'arrive pas à manger beaucoup (et d'ailleurs je ne dois pas trop manger) et on s'inquiète un peu pour moi. On m'encourage :' Tu ne dois pas te décourager, cet après-midi seulement tu dois affronter ta discipline principale'. Je n'ai pas eu le temps de me reposer car il faut retourner tout de suite au stade 'Unification' une demi-heure avant l'épreuve pour l'échauffement. J'aborde l'épreuve très à l'aise et confiante en moi-même, quoique mon premier saut soit invalidé, car pour les malvoyants on devrait avoir les yeux bandés et sauter dans un espace délimité à l'avance de 1 m2. Après quatre sauts, j'ai distancé le second de 30 cm. Au 5è saut, cette distance s'est encore élargie et je suis sûre d'être la première. A mes côtés les personnes qui attendent leur tour ou qui ont déjà fini leur épreuve commençent à crier de joie pour me féliciter de ma performance. Une fille m'a pris dans ses bras pour me faire tournoyer. A ce moment, j'ai voulu éclater en larmes et d'un coup j'éprouve de la nostalgie pour HaNoi, pour ma famille. Tout le monde me conseille :' C'est déjà gagné, ce n'est plus la peine de sauter'. Mais je ne voudrais pas de cette facilité, car je voudrais donner tout mon possible et ne pas s'arrêter en chemin. Ma joie est encore plus grande quand j'ai appris que le matin j'ai quand même obtenu la médaille de bronze.
Depuis notre arrivée, je n'ai pas eu le temps de penser à ma famille, particulièrement après l'ouverture des jeux je n'ai plus de contact avec les miens. Maintenant ce que je désire le plus c'est de retourner à notre résidence et de téléphoner tout de suite à ma famille et à mes amis. C'est donc une nouvelle journée de compétition qui vient de passer, avec des succès pour l'équipe athlétique de HaNoi et je suis fière d'y être pour quelque chose. Depuis une semaine, aujourd'hui seulement je me sens libre car je crois que j'ai rempli mon travail. Maintenant je peux prendre du temps pour visiter Saigon. A la différence de HaNoi, la ville de Saigon a une beauté nocturne avec ses myriades de lumière clignotante, alors que HaNoi est belle et attachante grâce aux arbres spécifiques ombrageant les rues et aux parfums de leurs fleurs. Saigon a un aspect moderne alors que Hanoi est plutôt patinée par le temps. Les mets aussi sont différents. En général il y a beaucoup de différences mais je n'ai eu qu'une journée pour les découvrir. Une semaine passe très vite, et c'est la fin de la compétition. Demain on sera chez nous à HaNoi. Le soir de la cérémonie de clôture, dans la partie festive, j'ai eu le courage de représenter la délégation de HaNoi pour offrir une chanson aux autres équipes. J'ai chanté sur l'automne à HaNoi, une saison que nos amis du Sud ne connaissent certainement pas. Le retour est plein de souvenirs attachants et de quelques regrets. J'ai prévu de rester encore un peu, mais j'ai voulu aussi rentrer à HaNoi ! En tout cas ce voyage m'a laissé beaucoup de souvenirs pour la vie.
Avant ma naissance, comme pour tous les autres bébés, toute ma famille m'attendait avec joie et espoir. J'étais née avec une taille normale, il n'y a que mes yeux qui n'étaient pas complètement clairs, mais alors personne ne l'avait remarqué. Quand j'avais 4 mois, on avait découvert cette anomalie et tout de suite on m'amenait à l'Institut Central d'Ophtalmologie, un institut spécialisé renommé au VietNam. Les médecins diagnostiquaient alors une opacité du cristallin de naissance. Pour des raisons de santé, on ne m'opérait qu'à 11 mois (c'était en 1984), et seulement à l''il droit. En ce moment, à cause des moyens techniques limités, mon 'il droit n'avait récupéré que partiellement la vue (environ 3/10). Enfant, comme je pouvais voir encore quelque chose, je ne me rendis pas compte de ma différence avec mes camarades. Mais à l'âge d'aller à l'école, les difficultés surgirent : je ne pouvais pas lire ce qui est écrit sur le tableau, je lisais dans les livres avec beaucoup de peine, et c'était la même chose pour écrire dans les cahiers car je devrais regarder de très près. De plus, en classe quand j'avais de nouveaux camarades, le fait de les identifier n'était pas simple pour moi. Je les identifiais plutôt par leur voix, leur silhouette et leurs habits. Les complexes commençaient à se développer en moi. A chaque fois que je changeais de classe, et que les nouveaux camarades ne comprenaient pas mon état, ils prenaient des airs distants avec moi et je me sentais comme perdue dans la foule. Une fois, notre maitresse a dû dire à mes camarades : 'Personne ne veut être né handicappé, votre camarade aussi. Mais à cause de la guerre, ses parents étaient partis pour combattre et son handicap venait de ce fait. Ceci n'était nullement de sa faute. Nous ne devrions pas mettre notre camarade à l'écart mais au contraire lui témoigner de la sympathie et l'aider au mieux'. A la maison j'avais questionné mon père pourquoi née après la guerre, et ne connaissant pas la guerre, j'étais quand même atteinte dans ma vue. Mon père m'a alors expliqué que dans la guerre, les ennemis américains n'avaient pas seulement ravagé le VietNam avec leurs bombes, mais ils avaient aussi répandu des milliers de tonnes de toxiques chimiques pour exterminer toute vie naturelle et humaine dans des zones entières. A ce moment, tes parents combattaient sur le front du Centre (région de Quang Tri), dans la zone où l'épandage des toxiques chimiques était le plus important. Ce poison s'était infiltré dans le sol et dilué dans l'eau, il aura des conséquences non seulement sur notre génération mais aussi sur des générations futures, moi-même je ne saurais te dire jusqu'à quelle génération.
Je ne savais pas pourquoi on devrait se faire la guerre. En tout cas, après l'intervention de notre maîtresse, mes camarades me comprennent mieux et même cherchent à partager mes difficultés : ils lisent pour moi ce qui est écrit au tableau, ou font pour moi des choses dont je suis incapable. Je me sens réconfortée et ceci me pousse à étudier car je rêvais alors de devenir une historienne, de faire un travail de rédaction, de traduction et j'aime particulièrement l'art de la calligraphie. A l'école, il y a toujours des gens qui me montrent du doigt ou encore qui m' inportunent, me rendant vraiment triste. Les paroles telles que :'Regarde ses yeux ' 'ou 'Comment çà s'est arrivé '' et même les rires sans raison me blessent profondément. A ces moments, je voudrais juste pleurer et tout laisser tomber. Je me demande pourquoi aller à l'école, que pourrais je faire de mes études ' Bien que des amis aient cherché à m'habituer à mon infirmité, je n'arrivais pas à effacer le fossé qui me sépare des autres et je me sentais bien seule même parmi eux. Le temps passe et je deviens de moins en moins affectée par ces histoires car plus j'étudie, plus le volume de connaissances augmente et plus je dois me concentrer au maximum pour pouvoir mémoriser les choses enseignées en classe. Car je ne peux pas tout noter et qu'à la maison je ne peux pas lire beaucoup. Il me suffit de lire un moment pour que ma vision se brouille et que je n'arrive plus à voir les caractères. Cet état dure jusqu'à mes 14 ans, Quand j'avais terminé les examens de fin de la 8ème classe ( la 4ème en France, NDT), mon 'il droit devienne plus opaque de jour en jour. En une semaine seulement, il ne peut plus voir du tout. Je dois aller alors me faire opérer l''il gauche pour pouvoir remédier à la défaillance de l''il droit. Le médecin m'a dit que mon 'il droit a fini par céder, et que sa rétine s'est décollée. Quant à l''il gauche, bien qu'on ait remplacé le cristallin, son globe oculaire est atteint de tremblotement et par conséquent sa vision est très faible (on ne peut pas mesurer son acuité visuelle). On ne peut l'utiliser que pour les gestes de la vie de tous les jours, on ne pourrait pas augmenter sa tension au risque de le perdre complètement. Depuis ce moment, je ne pourrais plus continuer ma scolarité.
Enfant, je ne savais pas qu'à l'Ecole Nguyen Dinh Chieu on se consacre à l'enseignement des malvoyants. Maintenant il est trop tard pour s'y inscrire car j'ai dépassé la limite d'âge d'inscription. Je dois donc rester à la maison. Tous les jours, mes parents étant au travail, ma s'ur à ses études, seule à la maison, je ne sais pas quoi faire. Se rappeler ses souvenirs, ou encore se préoccuper de son avenir incertain : Que deviendrais je plus tard ' Comment vivrais je ' Que devrais je faire ' Ces questions lancinantes sont sans réponse, et ma réaction est tout bêtement des pleurs et des larmes. Je griffonne sans voir tout ce que je ressente, tout ce qui me tournoie dans la tête, sur des bouts de papier vite déchirés. Mes parents déjà pleins de soucis à cause de mon handicap, le sont plus encore quand ils me voient maintenant cloîtrée à la maison, à l'âge où on doit s'épanouir parmi ses camarades. Surtout que maintenant je ne sors plus et que je refuse tout contact avec les autres. Mais ils gardent leur désespoir pour eux, sûrement pour que j'aie toujours quelqu'un pour m'y appuyer. Je sens profondément en moi leur attitude, et à mon tour je n'ose pas trop leur montrer mon désespoir pour adoucir tant soit peu leurs peines. Mon père a contacté un certain nombre d'organisations pour les enfants handicapés, mais nos conditions et surtout mon état de santé ne lui semblent pas suffisants pour m'y faire inscrire. En Avril/2004, je suis acceptée dans l'Association des Malvoyants du district de Cau-Giay (HaNoi). J'ai l'occasion de connaître des gens de ma condition, de partager avec eux des soucis et sentiments que les gens normaux ne pourront peut être pas tout comprendre. On m'encourage à continuer mes études. Mais avant, sans être aussi handicapée, je ne le peux déjà plus, alors comment le pourrais je maintenant ' Ceci dit, j'ai toujours en moi cette soif d'apprendre. Ensuite on m'a appris le Braille, et on m'a permis de suivre les cours organisés par l'Association. J'ai repris peu à peu la confiance en moi pour continuer le second cycle secondaire. Mon état physique étant faible, je tombais malade souvent et je prenais sans cesse des médicaments. En plus je n'étais pas active, on me dispensait même de l'éducation physique ce qui fait je manquais plutôt de vivacité. J'ai peur de n'avoir pas assez de santé pour poursuivre mes études et les activités de l'Association, ce qui me pousse à m'inscrire aux sports réservés aux handicapés. Dans ce milieu, je me rendis compte que chaque personne a son handicap particulier, son passé personnel de souffrances mais tous et toutes ont un point commun dans leur détermination à surmonter leur malheureux destin. Leurs résultats sportifs, leurs médailles me remplissent d'admiration. Je me sens même plus chanceuse et plus heureuse que beaucoup d'entre elles. Et dire que j'ai laissé passé trop de temps et que j'ai accompli trop peu de choses jusqu'à présent. Je me demande pourquoi les handicapés ne pourront pas s'intégrer avec les gens normaux ' Pour le faire les handicapés devront se montrer plus ouverts, faire le premier pas pour dire aux personnes normales quel est leur monde, plutôt que de rester silencieux et complexés. Mon rêve est de devenir journaliste pour écrire sur les personnes infirmes, pour une meilleure compréhension de la part des autres, et de leur part je dirais aux autres : les infirmes ont toujours besoin d'un coup de main des bien portants, mais ils ont besoin de plus de compréhension, de partage que de charité. Actuellement je suis élève dans le secondaire, dans la filière de cours complémentaire et par conséquent je n'ai pas beaucoup d'heures de cours. Je n'ai pas pu faire une filière normale car il n'y a pas encore de lycées qui accepteraient des malvoyants. En dehors du cours complémentaire, je dois m'inscrire en auditrice libre (quoique je suis d'accord pour payer les frais comme une élève normale) pour suivre des cours dans la filière normale, car j'estime que ces cours me seront utiles pour mon futur travail de journaliste. On me donne pour raison de l'inscription en auditrice libre l'attente d'un avis des autorités supérieures , car peut-être je ne pourrais pas m'intégrer dans une classe normale. Je crois que c'était plutôt un motif pour me refuser, car je suis maintenant habituée aux regards curieux des autres. J'ai donc exploré d'autres voies. Je cherche les documents intéressants et demande aux amis étudiants de les enregistrer sur bande audio, pour pouvoir les mémoriser par l'écoute. Je leur demande aussi de me donner des cours, ou bien je reste à côté de ma s'ur pour glaner des choses et d'autres pendant ses leçons. Ou encore je suis des cours donnés à la radio ou à la télévision. Avant quand je devrais aller quelque part, mon père ou ma mère doit me prendre derrière la moto. Mais avec des activités plus nombreuses, mes parents occupés à leur travail, je dois apprendre prendre le bus toute seule. Des fois je me sens bien fatiguée, mais mes proches et mes amis sont là pour m'encourager et me donner plus de volonté et de confiance dans mes occupations. Mes parents se sentent plus rassurés pour moi, je crois aussi qu'ils ont plus de joie à me voir plus mûre et que je n'ai plus le temps pour m'absorber dans des pensées sans suite.
Peut être que mon rêve ne se réaliserait jamais, et que rêve il le resterait toujours. Mais avec lui je me sens plus forte, plus amoureuse de la vie, et il me ferait faire des efforts de tous les jours pour que ma vie ait un certain sens.
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