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Témoignages



29-04-2008
Enfants vus dans le sud.


10-11-2007
Partout où je vais


09-11-2007
J'etais née ...


13-06-2006
Solidarité : soirée à Meylan ... (Isère)


23-02-2006
Voyage à Phu Ly


02-10-2005
Nguyen Thanh Tung (autobiographie)

Traduction française

18-05-2005
Le cœur d'une mère
(English version available)



18-05-2005
Mon histoire


29-03-2005
Histoire de Trân thi My Quyên



Nguyen Thanh Tung (autobiographie)


Nguyen Thanh Tung

[02-10-2005]  

Nguyen Thanh Tung

Tung
Le joueur de monocorde
Tung et soeur
Frère et soeur


Je suis né le 20-10-1979 à Hanoi, et réside actuellement au numéro II-B de la rue Thê Giao, quartier Lê Dai Hanh, arrondissement Hai Ba Trung Hanoi. J' habite dans un modeste logement, dans une petite impasse, d'une petite rue, mais remplis de souvenirs d' enfance.

Mon père Nguyen Thanh Son, ancien combattant, est un blessé de guerre, handicappé classé au niveau « trois quart », il a aussi été contaminé par les produits chimiques que les Américains ont versés sur tous les théatres d'opération de Quang Tri, le long du Truong Son1 jusqu'au Sud du pays, pour défolier les forêts. Il a participé aux combats, à la libération du Sud puis à la réunification du pays.

Ma mère Pham Thi Duc ( on l'appelle en générale par un autre prénom, Hoa), était un membre de la coopérative « Lien Hop », elle a épousé mon père pendant une de ses permissions, avant qu'il ne s'en aille combattre l'ennemi dans le Sud.

Après la réunification du pays, l'armée libèra mon père, il était fils unique, il obtint alors un travail d'électricien à l'usine mécanique Tran Hung Dao de Hanoi.

En 1976, ma grande soeur vint au monde, mon père lui donnait le prénom de Phuong Thuy, en souvenir d'un gué que son unité a traversé dans le Sud et où il a été blessé. Quand elle était née, elle semblait normale, c'est en grandissant, que les anomalies se révèlent. Jusqu'à maintenant, à presque trente ans, elle reste étendue dans son lit, sans mouvement et sans conscience, car ma soeur est muette, sourde, aveugle, paralysée, épileptique et retardée mentale. Elle est étendue comme une poupée, c'est ma mère qui s'en occupe, la faire manger, dormir, la laver, la changer. Elle occupe toute la vie de ma mère. Mon père travaille maintenant comme photographe pour nourrir la famille, car l'usine de mécanique Tran Hung Dao ainsi que la cooperative Lien Hop ont cessé leurs activités et mes parents se retrouvaient au chômage.

En 1979, je vins au monde à mon tour. J'étais né dans l'inquiétude de mes deux familles paternelle et maternelle. Et l'histoire de ma vie commençait avec ce 20 Octobre 1979.

Ma mère s'occupe de nous deux, ma soeur et moi, elle couchée, tandisque moi, tout de suite à la naissance, un oeil hors d'usage, l'autre avec une vision d'un dixième. En faite, cette précision est connue plus tard, quand mon grand père m'emmena à l'Institut Central des Yeux de Hanoi, où l'ophtalmologue de service, après examen, nous a révélé ce verdict précis, un dixième. Ainsi, moi aussi, je suis un handicapé de naissance. Plus tard, à l'âge où les enfants vont à l'école, je n'ai pas la chance des gosses de mon âge de suivre mes parents pour aller en classe, à cause de mes yeux aucune école ne m'a accepté. Mais ça, c'est plus tard, pour l'instant, j'ai une soeur, mais elle reste couchée, et personne ne joue avec moi. Nous n'avons pas connu, elle et moi, ni les jeux, ni les joies, ni mêmes les punitions, que l'on attrappe quand on n'est pas sage, ces choses que devraient connaître tous les enfants, et cela parce que nous sommes deux enfants handicapés, victimes de ces substances que la guerre a laissées derrière elle... Maintenant en pensant cette période de notre vie, je ressens une grande tristesse qui me donne une grande envie de pleurer.

Jusqu'au jour où le professeur Ton That Tung, quand il était encore en vie, après nous avoir examiné avec soin, et discuté avec d'autres medecins, a conclu que nos maladies sont la conséquence de cet Agent Orange que notre père a absorbé pendant la guerre. Il conseilla à mon père de tout faire pour prendre soin de nous et surtout de conserver cet « un dixieme de vision » de mon oeil restant, sinon je serais comme ma soeur, aveugle. C'était un grand malheur pour mes parents. Mais j'étais trop jeune pour comprendre, je continuais à rire et m'amuser, et à bavarder avec les gens, sans m'apercevoir de l'inquietude de mes deux familles paternelle et matenelle, et surtout de mon grand père paternel...

Déjà lorsque j'avais huit mois, encore collé aux seins de ma mère, mon grand père a proposé de s'occuper de moi pour alléger ma mère, et ainsi, elle peut s'occuper mieux de ma soeur et du ménage...

Toute la journée j'étais avec mon grand père, et quand j'avais sommeil, il me prenait dans ses bras et me chantait des comptines pour m'endormir.

Les paroles de ses chansons restaient dans ma mémoire,

« Ah Ah Oi, dors d'un bon sommeil apaisé,

Que ta mère, qui trime dur toute la journée, puisse se reposer »

je ne sais si c'est des vrais comptines ou s'il invente au fur et à mesure qu'il chante, voyant ma mère à bout de forces avec son ménage. Quoi qu'il en soit, sa voix m' emmenait rapidement loin dans le monde des songes...

Les jours passent et je grandis dans l'amour de mes parents et de mes grand parents. Déjà j'atteins l'âge scolaire, mais aucune école ne m'accepte à cause de mes yeux. Mon grand père se révoltait, obstiné, il cherchait par tous les moyens de m'en trouver une, sans résultat, alors nous nous résolvions à attendre une opportunité.

La volonté de mon grand père avait pour conséquence que moi aussi, j'acquis cette hargne de ne jamais laisser passer une opportunité qui permet d'avancer...en attendant, pour me consoler, mon grand père me lisait des livres, des histoires d'enfants qui réussissent, des contes de mon pays. J'avalais ses paroles, voyant mon intêret, l'idée lui vint un jour d'illustrer ses lectures par un dessin. Par exemple le conte « Tam Cam » est illustré par le fruit « thi » 2 éclatté en quatre quartiers avec Tam à l'intérieur. J'approchais l'image de mon oeil valide, et croyais voir la jeune Tam me sourire...et d'une histoire à l'autre, mon grand père passait de la lecture au dessin, et moi j'écoutais, puis je « regardais » les dessins, j'étais excité et si un jour où pour une raison quelconque mon grand père ne faisait pas de lecture, le soir je n'arrivais pas à dormir...

Et pourque je puisse participer aux activités comme les autres enfants, mon grand père voulait m'inscrire au Palais de l'Enfance3 de Hanoi, malheureusement on me refusa là aussi, toujours à cause de mes yeux...Déçus, sur le chemin du retour, mon grand père m'emmena dans un magasin de lunettes, son directeur avait un cabinet d'ophtalmologie. Au début, mon grand père devait acheter le ticket pour que je puisse être examiné, quand mon tour arriva, on me plaçait sur une chaise haute, approcha mon visage d'une machine, puis me demandais d'appliquer mes yeux aux deux viseurs, et le medecin m'examina... Au bout d'un instant, il me dit : « c'est fini, viens avec moi... ».

Mon grand père m'aidait à descendre de la chaise, nous suivions le docteur vers la caisse, il dit à la caissière de nous rembourser le ticket, on ne pouvait pas corriger ma vue avec des lunettes, il me carressait la tête et nous saluait avec un soupir. Je sentais que mon grand père était triste, je lui disais : « Grand père, laisse moi comme ça ». Il me prenait la main et sans rien dire et nous rentrions.

Et nous continuions notre vie, mon grand père et moi, il me racontait des histoires, me lisait des livres sans jamais oublier de les illustrer d'un dessin et moi je les écoutais et appliquais les dessins à mon oeil valide pour regarder, et pour moi le dessin semble se mettre chaque fois à vivre... les aventures de Thach Sanh terrassant le monstre, l'histoire de la Tortue d'or qui offre l'épée à notre roi Lê. Encore maintenant, je garde précieusement ces dessins qui sont depuis reliés en cahiers, et les histoires restent à jamais gravées dans ma mémoire, ce sont ses séances de lecture qui me donnent maintenant le goût de la litérature, je pense qu'il m'accompagnera tout le long de ma vie.

Mais retournons à notre histoire, je vais vous raconter comment j'ai pu en fin de compte aller à l'école et m'inscrire au Palais de l'Enfance de Hanoi. Comme je vous l'ai dit, mon grand père et moi nous attendions patiemment une opportunité. Et elle est arrivée.

Cette année là, on organisait au Palais de l'Enfance un concours de « chant et conte » réservés aux enfants pendant les vacances d'été... Nous nous décidions de participer à ce concours et nous nous attelions immédiatement à sa préparation. D'abord il faut aller s'inscrire, choisir une chanson, choisir un conte... après discussion nous nous décidions, pour l'histoire, de raconter la légende de la Pagode au Pilier Unique4 et pour la chanson, de chanter « Tieng chay tren soc bombo »5, nous choisissions cette chanson car je n'en connaissais aucune autre et celle là était souvent diffusée sur les ondes de la radio de Hanoi. Mon grand père rédigea le texte de la légende, je l'apprenais assez vite et bientôt j'arrivais à le présenter sans «souffleur», avec des expressions nécessaires, pour la chanson, c'est une autre paire de manches, par chance nous avions appris qu'elle allait être rediffusée sur la demande d'un auditeur, mon grand père s'empressa d'aller acheter un magnétophone à cassetes, et nous nous tenions prêt pour enregistrer la diffusion. Et c'est ainsi que j'apprenais la chanson, comme un perroquet, suivant la chanteuse dans le moindre détail, et bientôt je pouvais la chanter avec assurance. Mais il restait la musique d'accompagnement. Mon grand père me disait : «Je vais t'acheter une petite guitare, pour que tu aies l'air bien ! Tout dépend de toi, suivre la cassette à la fois pour les paroles et la musique ». Aussitôt dit, aussitôt fait, il m'achèta une guitare. Avec la guitare, j'écoutais de nouveau la cassette, et de nouveau je suivais la manière dont l'accompagnement se déroule et surtout là où le style de musique change car cette chanson a une partie moderne se marriant avec une partie traditionelle6. C'était incroyable, mais avec mon entêtement j'arrivais à présenter cette chanson, bien entendu d'une manière toute relative, il ne s'agissait pas de me mesurer avec la chanteuse! Mais pour un gosse, n'était ce pas une réussite? J'étais confiant, et pensais sicèrement que je passerais l'obstacle...

Et puis le jour du concours arriva. Nous étions présent. J'ai attendu jusqu'à tard dans l'après midi pour voir arriver mon tour. Quand on m'appelle, j'étais un peu inquiet, mais mon grand père me prit déjà par la main et me guida vers la scène, et avant de me quitter il me chuchotte « tu fais comme à la maison, n'aies pas peur ». Je retrouvais mon calme, m'inclinai pour saluer la foule, je ne voyais rien, et commençai : « Mes amis, aujourd'hui je vais vous raconter la légende de la Pagode au Pillier Unique... » et c'est ainsi que tout se déroule, tant pis, je suis mon élan, je sens que ma diction était claire et j'étais à l'aise, l'histoire suit son cours jusqu'à la conclusion « voilà l'histoire de cette pagode, mon grand père m'y a emmené et a même pris des photos de moi à côté de la Pagode, elles sont très belles! Est ce que vous voulez les voir ? Je les emmènerai dans la cours à la sortie pour vous.. » Je m'inclinais pour saluer, alors explosent les applaudissements, mon grand père vint me chercher, il me chuchotte : « tu as très bien raconté, même moi je suis pris par l'histoire... » C'est fini pour le conte, reste le chant, j'ai dû attendre le lendemain, comme il y avait moins de monde, mon tour arriva en fin de matinée, la présentatrice annonça : « Et maintenant Thanh Tung, numéro ... va nous interprêter « Tieng Chay Tren soc bombo suivant le style combinant la musique moderne et la musique traditionelle etc etc.. » Je tiens ma guitare d'une main, l'autre la main de mon grand père et nous avançions vers la scène. En nous voyant les applaudissements fusent, pendant un très long. De nouveau mon grand père chuchote : « tu fais comme à la maison, n'aies pas peur » et me laissa seul. Alors je commence, entrée en musique, exactement comme sur la bande cassette! Et je chantais, m'accompagnant à la guitare, la partie moderne puis le passage délicat vers le traditionel, puis c'est la fin, le salut. Je croyais que c'est fini et attendais mon grand père, mais les applaudissements se prolongeaient, des enfants montaient sur la scène et me mettaient dans la main des bouquets de fleurs, des bonbons, mon grand père se précipitait pour m'aider, je le suivais sans rien voir ni comprendre...

Puis le jour de l'annonce des résultats, j'ai obtenu un prix spécial et une médaille d'or pour ce concours. J'étais heureux, mais mon grand père l'était certainement plus car dorénavant je ne serais plus rejeté par les autres. Une autre bonne nouvelle arrivait pendant cet été là, le Palais de l'Enfance m'accepte pour l'activité « conte », et l'école Van Ho me prendrait comme élève à la prochaine rentrée à condition de savoir lire et écrire. Encore de nouvelles difficultés. Je n'ai jamais appris à lire et à écrire! Mais, il nous restait encore trois mois, on ne va pas rater cette occasion! Mon grand père et moi, nous nous engageions alors dans une nouvelle période de préparation. Mon grand père me dit : « il suffit de vouloir, et tu vaincras les obstacles. ». La détermination, je l'ai, mais comment apprendre à lire et à écrire, ça, je me remets dans les mains de mon grand père.

Une fois estompée le remue ménage du concours, après que mon grand père achève les préparatifs, nous nous mettions au travail. Mon grand père est évidemment le maître. Je commence par apprendre l'alphabet A B C... il sortait d'une petite boîte des petits cartons, sur chacun est écrite une lettre, il me montrait chaque carton comme pour les dessins qu'il avait fait avant, et dit : « ça c'est la lettre A ». Je le contemplais quelques instants, puis le pose, et mon grand père pique un autre carton : « ça, c'est la lettre B », et ce jour là, j'ai appris une dizaine de lettres. Ces dix cartons, je les gardais toute la journée et de temps en temps je les approchais de mon oeil et répétais « ça c'est la lettre ... » et quand nous nous préparions à nous mettre au lit, ces dix lettres sont déjà ancrés profondément dans ma tête. Je rends ces carton à mon grand père, tout en lui lisant chaque lettre, il éclatte de rire en me disant « à ce rythme il ne te faudra pas long temps pour savoir lire et écrire ». Sa joie me remplit de bonheur et j'étais confiant que je réussirais à réaliser ce qu'il me dit.

Au bout de cinq jours je connais l'alphabet vietnamien, puis à épeler les mots, toujours avec ces cartons mis côte à côte, du plus facile vers le moins facile jusqu'au jour où je commence à épeler les lettres sans aide, je commencçais à lire, j'étais fou de joie, ce n'est pas si difficile que ça après tout! Mon grand père et moi, nous nous tournions alors vers l'apprentissage de l'écriture. Et de nouvelles épreuves m'attendent. Mon grand père m'a acheté une ardoise avec des lignes blanches pour l'écriture. Mais les lettres que mon grand père trace sur l'ardoise sont plus petites que celles des cartons, je dois coller mon visage contre l'ardoise pour les lire, certaines lettres dépassent vers le haut d'autre vers le bas, mon visabe était plein de craie, mon grand père me les enlèva avec son mouchoir. De plus ma concentration provoque des larmes. C'était dur! Mais je tenais bon et obtenais des résultats, et surtout offrir à mon grand père l'espoir de me voir aller à l'école à la fin des vacances. Je me préparais un nouveau programme : lire directement les livres, cela m'excitait au plus haut point, car j'aime les histoires, et mon grand père m'achètait des livres pour enfant. Je dois coller le livre à mon visage, les mots longs m'obligent à épeler pour les saisir, mais petit à petit, j'arrive à lire couramment. Et mon grand père me proposait alors de recopier certains passages, au débuts des courts, puis peu à peu des plus longs. En fin de compte je maitrisais la lecture et l'écriture, puis je me mettais au calcul, l'addition et la soustraction. Je continue à être inquiet, même avec ce que je sais maintenant, est ce suffisant? Mon grand père me rassure : « il reste encore la multiplication et la division, mais ça, la maîtresse à l'école va te le montrer, quoiqu'il en soit je crois fermement que tu seras accepté à la rentrée ».

Et c'est vraie, cette année là, allant sur mes huit ans, je commençais l'école à la classe 17 , mais je reste dans cette école de Van Ho jusqu'à la classe 6 seulement, car un autre événement va dévier le cours de ma vie, cela je le raconterai plus tard.

Je vais vous dire maintenant comment je viens à la musique et pourquoi je suis attaché à cet instrument qu'est le Dan Bau, probablement jusqu'à la fin de ma vie...

C'était pendant cette période où j'étais admis au Palais de l'Enfance, un jour en écoutant la radio avec mon grand père, j'ai entendu pour la première fois jouer un instrument qui m'est inconnu, le son est étrange, beau et triste, j'ai l'impression qu'il berce et qu'il chante, j'ai deamandé à mon grand père ce qu'est cet instrument, il me dit que « c'est un instrument traditionnel vietnamien », et sur la lancée « je vais t'en fabriquer un et comme ça tu le vois ». Et comme toujours, il réalise ce qu'il dit, deux jours après il m'a construit un Dan Bau, pas trop grand, avec un morceau de bambou, une boîte de conserve, le fil est pris dans un cable de frein de vélo. Du point de vue formel, c'est un bien un Dan Bau, du point de vue musicale, c'est moins évident, je l'aime beaucoup car il m'a révélé comment fonctionne le mystérieux instrument. Et mon grand père et moi commençions à essayer de tirer quelques sons de cet instrument. Au début rien ne sortait, on entend juste « ping ping ». Mon grand père me dit: « je vais t'inscrire au cours de Dan Bau au Palais », et il a obtenu que je suis les deux cours, celui de conteur et celui de Dan Bau. Sans instrument et n'ayant eu aucun cours de musique, je ne peux que rester dans mon coin à regarder mes camarades apprendre: comment tenir l'instrument, comment pincer la corde, comment varier la tension etc..En vérité j'écoutais, car je ne vois rien, à la maison j'essayais d'appliquer tout ce que je saisis sur l'instrument rudimentaire que mon grand père m'avait construit. Je m'aperçois que les cours n'ont pas été inutiles, au bout de quelques jours j'arrive à tirer d'autres sons de mon instrument. Au palais, j'écoutais, à la maison j'appliquais en tatonnant. Puis un jour je provoquai la surprise générale de ma famille en jouant, approximativement, une chanson pour enfant. Mon grand père éclatte de rire et me prend dans ses bras : « tu es un as ». Il propose de m'acheter un vrai Dan Bau, un pas trop cher, que l'on vend à la rue Hang Gai. Ma grande mère et mes parents approuvent immédiatement, et cet après midi là, je suivais mon grand père au magasin de musique. Je touchais le nouveau instrument avec bonheur, et depuis ce jour, je commençais à m'entrainer au Palais, mon professeur d'alors, Mr Xuân Thi m'entraine consciencieusement, sachant que je ne connaisais pas le solfège, il me guidait oralement en me tenant la main. J'apprenais à jouer sans connaître comment sont faites les notes de musique. Beaucoup plus tard, lorsque à l'école Van Ho, je sais comment me débrouiller avec mon oeil au dixième de vision pour lire, que Mr Xuân Thi commence à m'apprendre à lire les notes sur les cinq lignes.

Quant à mes études, je les faisais avec difficulté, mais j'ai la chance de rencontrer des maîtres qui me comprennent et m'apprécient, j'arrivais à être au même niveau que mes camarades malgré mon handicap, mes camarades de classe aussi m'aident sans compter, tous sont devenus mes amis, ils venaient nous chercher à la maison, mon grand père et moi, pour aller à l'école. Je n'étais pas isolé et j'allais à l'école avec bonheur, d'autant plus, j'anime la classe avec mes chansons et mon Dan Bau.

Puis c'est la catastrophe. Un jour, en pleine classe, mon oeil lache, tout d'un coup je ne vois plus rien, j'entends ma maîtresse et mes camarades, mais je ne vois plus personne. Je tatonne avec ma main, l'ami à côté de moi est toujours là. Alors je hurlai : « Madamme ... ». Sa voix me parvient: « Tung, tu veux quelque chose? ». Alors j'éclatte en sanglot : « Madamme, je ne vois plus rien, ni vous ni mes camarades ». La classe est figée dans le silence. J'entends la maîtresse s'approchant de moi et doucement elle me dit : « Tung, tu me vois ? ». J'écarte mes yeux, tout est noir : « Non, je ne vois rien ». Alors j'entends des camarades qui éclattent en sanglot, et la voix de ma maîtresse : « Tung, quel malheur ».Je me rappelle long temps de cette dernière parole, et jamais je n'oublie le ton de sa voix. La classe s'arrête et mes amis me ramènent à la maison. En chemin personne ne parle, j'entends parfois un pleur refoulé.

Que dire de plus, le tristesse de ma famille est immense, ma grande soeur est couchée là, moi malgré mes yeux, j'arrivais jusqu'ici à me déplacer seul, entrer et sortir de la maison, maintenant, je vais me cogner partout, il me faut de l'aide, surtout que le logement est petit. Les premiers jours, quand pour moi il n'y a plus aucune lumière, la vie est bien difficile. De plus tout ce que j'ai appris à l'école Van Ho, je ne peux plus ni les recopier, ni lire les livres, il ne reste que ce qui est retenu dans ma mémoire. Cependant, cependant, je rencontre de nouveau la chance. C'est à cette époque que l'école pour enfants malvoyant Nguyen Dinh Chieu8 à Hanoi commence ses activités. On y enseigne le braille. Immédiatement mon grand père contacte l'école et cherche à emprunter des livres d'enseignement. L'école a répondu favorablement, non seulement elle lui fournit des livres mais aussi la planche et le crayon pour écrire le braille ainsi qu'une rame de papier. En fait, c'est plutôt du carton, car c'est beaucoup plus épais que le papier, et le crayon est une pique pour perforer. Tout est étrange pour moi et les fournitures n'ont rien à voir avec celles des écoles d'enseignement général. Un enseignant explique à mon grand père les méthodes, puis lui même met quelque jours pour apprendre les caractères braille. Ainsi, en quittant l'école Van Ho, j'entre dans une nouvelle période où tout est à refaire.

De nouveau mon grand père et moi nous tatonnions dans l'apprentissage de ces caractères tactiles, reconnaître les cases, les six points, leurs combinaisons, comment trouer, et puis surtout ceci, normalement on écrit de la gauche vers la droite, et lire dans le même sens, pour le braille on doit écrire ou plutôt trouer, de la droite vers la gauche, pourqu' une fois fini on retourne la page pour la lire de la gauche vers la droite en reconnaissant les points avec les doigts. C'est beaucoup plus difficile, cependant à force, j'arrive à m'habituer et à maîtriser ces caractères, puis je passe au chiffres pour faire les calculs et autres choses encore que je dois mémoriser, pour être prêt pour la rentrée .

Mais mon passage à l'école Nguyen Dinh Chieu est assez court, j'y suis les cours de la classe 6, ainsi que la classe de Dan Bau, mais avant la fin de l'année scolaire le Conservatoire de Musique de Hanoi est venu selectionner un certain nombre de jeunes malvoyants qui ont des aptitudes en musique dans le cadre d'un programme d'aide internationale. J'ai la chance d'être parmi les choisis, et une nouvelle vie commence pour moi comme élève pensionnaire au Conservatoire de la Musique de Hanoi.

Trois soigneurs nous assistent, pour manger, pour dormir ainsi que pour les études. Nous suivons un programme d'enseignement général et musical de deux ans au Conservatoire, qui nous permet d'approfondir nos connaissances tant en musicologie qu'en solfège, et notre niveau progresse rapidement. Les enseignants de l'école Nguyen Dinh Chieu viennent aussi nous donner des cours en braille. Après ces deux années nous passons un examen pour être dans le cycle intermédiaire. Mes amis et moi avons tous réussi. Mes amis restent à l'internat, ils doivent payer les repas , mais pas le loyer. Quant à moi, je demande à revenir chez moi, et chaque jour, mon grand père m'accompagne à l'école, puis il attend que je finisse pour me ramener. Dans le cycle intermédiaire, nous sommes mélangés avec les voyants, avec un même programme, dans une même classe. On m'a permis d'emmener la planche pour noter les cours, mais souvent je n'arrivais pas à suivre, mon grand père m'achète alors un petit enregistreur à cassette pour enregistrer les parties qui me manquent.

Dès la première année du cycle intermédiaire, je suis scrupuleusement les cours, y compris ceux de moindre importance. J'ai choisi d'étudier la musique traditionnelle et les musique du monde, le module de musique traditionnelle est enseignée par des spécialistes du Dan Bau. D'une manière générale je réussis bien les examens avec des notes très élevées. Mon grand père m'aide beaucoup, les livres d'enseignement musical sont nombreux, cependant rien n'est publié pour les malvoyants, mon grand doit les lire pourque je puisse les enregistrer, chaque fois que j'ai des problèmes pour lire les notes, je demande à mes camarades de m'aider. Voyant cela, mon grand père se met aussi au solfège, et petit à petit il arrive aussi à déchiffrer les notes, et plus tard lorsque j'atteint les classes supérieures, il m'aide en lisant les notes et les transcrire. Certain de mes prfesseurs trouvent que les partitions de mon grand père sont plus belles que celles des étudiants !

En troisième année du cycle intermédiaire, convaincu de mes aptitudes, la direction du Conservatoire me propose de suivre les cours de composition, et après une serie de contrôles j'ai l'autorisation de suivre en parallèle les cours de composition et les cours de musique traditionnelle, spécialité Dan Bau. Puis j'ai terminé les quatre ans du cycle intermédiaire de Dan Bau et atteint ma deuxième année du même cycle en composition. Je passe le concours pour l'université pour le Dan Bau et de nouveau continue mes études parallèles qui se déroulent non sans difficulté.

Puis je termine les quatre années d'université pour le Dan Bau, et en 2005 je dois terminer le cycle universitaire pour la composition. En troisième année en composition, j'ai obtenu un prix special dans un concours de composition pour un ensemble traditionel.

Bietôt ce sera la fin de ma vie d'étudiant, en pensant à cela je me sens triste, tous les rencontres que j'ai faites, les maîtres qui m'ont formé, aidé, les camarades, les amis qui vont se disperser dans la vie active, ils vont fonder une famille, participer à la société, et pensant à moi, handicapé visuel, je me demande quelle sera ma vie et d'une manière plus générale celles de tous les handicapés visuelles comme moi, malgré tout nous sommes déterminés à surmonter les obstacles pour nous intégrer à la société. Injuste le destin d'un handicapé, surtout lorsqu'il est aveugle, sans lumière, il ne reste que l'ombre.

Je sais que ce n'est pas facile, sur les bancs de l'école, en discutant avec mes amis, j'ai toujours compris que la vie est difficile, si on ne sait pas se perfectionner, si on ne sait pas surmonter les obstacles pour s'élever, on ne sera jamais quelqu'un d'utile pour la société, pour la famille, et pour soi même. C'est pour cela qu'en cette ving-sixième année de ma vie, je continue à apprendre, à apprendre encore, car je sais que le savoir est immense, et que l'homme est peu de chose devant cette immensité, et pour devenir un homme véritablement utile aux autres, pouvant apporter quelquechose aux gens, il n'y a qu'un moyen, celui d'utiliser toutes ses capacités pour étendre ses connaissances, avancer, surtout pour les aveugles comme moi, et pour les handicapés en général, dans cette société.


01/06/2005

1Chaine de montagne qui court le long du Vietnam où se trouve la fameuse piste Hô Chi Minh.

2L'histoire est équivalente à Cendrillon et ce fruit « thi » joue un rôle équivalent à la citrouille de Cendrillon.

3Centre d'activités pour les enfants

4Chua Môt Côt, fameuse pagode sur un seul pilier, dans le centre de Hanoi.

5Chanson très connue pendant la guerre contre les américains.

6Tan Co Giao Duyen, type d'émission très prisée au Vietnam où les chansons mélangent le style moderne et le style traditionnel, ce marriage de styles est réputé d'être difficile et son exécution est souvent risquée.

7L'école primaire et secondaire vietnamien comporte 10 classes, allant de 1 à 10.

8Nguyen Dinh Chieu, grand lettré patriote et medecin de la fin du 19e siecle, il est devenu aveugle à l'age adulte.

7/7




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