Témoignages
29-04-2008 Enfants vus dans le sud.
10-11-2007 Partout où je vais
09-11-2007 J'etais née ...
13-06-2006 Solidarité : soirée à Meylan ... (Isère)
23-02-2006 Voyage à Phu Ly
02-10-2005 Nguyen Thanh Tung (autobiographie)
Traduction française
18-05-2005 Le cœur d'une mère
(English version available)
18-05-2005 Mon histoire
29-03-2005 Histoire de Trân thi My Quyên
|
Nguyen Thanh Tung (autobiographie) Nguyen Thanh Tung
[02-10-2005]
Nguyen
Thanh Tung
Le joueur de monocorde
|
Frère et soeur
|
Je
suis né le
20-10-1979 à Hanoi, et réside actuellement au
numéro
II-B de la rue Thê Giao, quartier Lê Dai Hanh,
arrondissement Hai Ba Trung Hanoi. J' habite dans un modeste
logement, dans une petite impasse, d'une petite rue, mais remplis de
souvenirs d' enfance.
Mon
père Nguyen
Thanh Son, ancien combattant, est un blessé de guerre,
handicappé classé au niveau
« trois quart »,
il a aussi été contaminé par les
produits
chimiques que les Américains ont versés sur tous
les
théatres d'opération de Quang Tri, le long du
Truong
Son
jusqu'au Sud du pays, pour défolier les forêts. Il
a
participé aux combats, à la libération
du Sud
puis à la réunification du pays.
Ma
mère Pham
Thi Duc ( on l'appelle en générale par un autre
prénom,
Hoa), était un membre de la coopérative
« Lien
Hop », elle a épousé mon
père pendant
une de ses permissions, avant qu'il ne s'en aille combattre l'ennemi
dans le Sud.
Après
la
réunification du pays, l'armée libèra
mon père,
il était fils unique, il obtint alors un travail
d'électricien
à l'usine mécanique Tran Hung Dao de Hanoi.
En
1976, ma grande
soeur vint au monde, mon père lui donnait le
prénom de
Phuong Thuy, en souvenir d'un gué que son unité a
traversé dans le Sud et où il a
été
blessé. Quand elle était née, elle
semblait
normale, c'est en grandissant, que les anomalies se
révèlent.
Jusqu'à maintenant, à presque trente ans, elle
reste
étendue dans son lit, sans mouvement et sans conscience, car
ma soeur est muette, sourde, aveugle, paralysée,
épileptique
et retardée mentale. Elle est étendue comme une
poupée,
c'est ma mère qui s'en occupe, la faire manger, dormir, la
laver, la changer. Elle occupe toute la vie de ma mère. Mon
père travaille maintenant comme photographe pour nourrir la
famille, car l'usine de mécanique Tran Hung Dao ainsi que la
cooperative Lien Hop ont cessé leurs activités et
mes
parents se retrouvaient au chômage.
En
1979, je vins au
monde à mon tour. J'étais né dans
l'inquiétude
de mes deux familles paternelle et maternelle. Et l'histoire de ma
vie commençait avec ce 20 Octobre 1979.
Ma
mère
s'occupe de nous deux, ma soeur et moi, elle couchée,
tandisque moi, tout de suite à la naissance, un oeil hors
d'usage, l'autre avec une vision d'un dixième. En faite,
cette
précision est connue plus tard, quand mon grand
père
m'emmena à l'Institut Central des Yeux de Hanoi,
où
l'ophtalmologue de service, après examen, nous a
révélé
ce verdict précis, un dixième. Ainsi, moi aussi,
je
suis un handicapé de naissance. Plus tard, à
l'âge
où les enfants vont à l'école, je n'ai
pas la
chance des gosses de mon âge de suivre mes parents pour aller
en classe, à cause de mes yeux aucune école ne
m'a
accepté. Mais ça, c'est plus tard, pour
l'instant, j'ai
une soeur, mais elle reste couchée, et personne ne joue avec
moi. Nous n'avons pas connu, elle et moi, ni les jeux, ni les joies,
ni mêmes les punitions, que l'on attrappe quand on n'est pas
sage, ces choses que devraient connaître tous les enfants, et
cela parce que nous sommes deux enfants handicapés, victimes
de ces substances que la guerre a laissées
derrière
elle... Maintenant en pensant cette période de notre vie, je
ressens une grande tristesse qui me donne une grande envie de
pleurer.
Jusqu'au
jour où
le professeur Ton That Tung, quand il était encore en vie,
après nous avoir examiné avec soin, et
discuté
avec d'autres medecins, a conclu que nos maladies sont la
conséquence
de cet Agent Orange que notre père a absorbé
pendant la
guerre. Il conseilla à mon père de tout faire
pour
prendre soin de nous et surtout de conserver cet
« un
dixieme de vision » de mon oeil restant, sinon je
serais
comme ma soeur, aveugle. C'était un grand malheur pour mes
parents. Mais j'étais trop jeune pour comprendre, je
continuais à rire et m'amuser, et à bavarder avec
les
gens, sans m'apercevoir de l'inquietude de mes deux familles
paternelle et matenelle, et surtout de mon grand père
paternel...
Déjà
lorsque j'avais huit mois, encore collé aux seins de ma
mère,
mon grand père a proposé de s'occuper de moi pour
alléger ma mère, et ainsi, elle peut s'occuper
mieux de
ma soeur et du ménage...
Toute
la journée
j'étais avec mon grand père, et quand j'avais
sommeil,
il me prenait dans ses bras et me chantait des comptines pour
m'endormir.
Les
paroles de ses
chansons restaient dans ma mémoire,
«
Ah
Ah Oi,
dors d'un bon sommeil apaisé,
Que
ta mère,
qui trime dur toute la journée, puisse se
reposer »
je
ne sais si c'est
des vrais comptines ou s'il invente au fur et à mesure qu'il
chante, voyant ma mère à bout de forces avec son
ménage. Quoi qu'il en soit, sa voix m' emmenait rapidement
loin dans le monde des songes...
Les
jours passent et
je grandis dans l'amour de mes parents et de mes grand parents.
Déjà
j'atteins l'âge scolaire, mais aucune école ne
m'accepte
à cause de mes yeux. Mon grand père se
révoltait,
obstiné, il cherchait par tous les moyens de m'en trouver
une,
sans résultat, alors nous nous résolvions
à attendre une opportunité.
La
volonté de
mon grand père avait pour conséquence que moi
aussi,
j'acquis cette hargne de ne jamais laisser passer une
opportunité
qui permet d'avancer...en attendant, pour me consoler, mon grand
père
me lisait des livres, des histoires d'enfants qui
réussissent,
des contes de mon pays. J'avalais ses paroles, voyant mon
intêret,
l'idée lui vint un jour d'illustrer ses lectures par un
dessin. Par exemple le conte « Tam
Cam » est
illustré par le fruit
« thi »
éclatté en quatre quartiers avec Tam à
l'intérieur. J'approchais l'image de mon oeil valide, et
croyais voir la jeune Tam me sourire...et d'une histoire à
l'autre, mon grand père passait de la lecture au dessin, et
moi j'écoutais, puis je
« regardais »
les dessins, j'étais excité et si un jour
où
pour une raison quelconque mon grand père ne faisait pas de
lecture, le soir je n'arrivais pas à dormir...
Et
pourque je puisse
participer aux activités comme les autres enfants, mon grand
père voulait m'inscrire au Palais de l'Enfance
de Hanoi, malheureusement on me refusa là aussi, toujours
à
cause de mes yeux...Déçus, sur le chemin du
retour, mon
grand père m'emmena dans un magasin de lunettes, son
directeur
avait un cabinet d'ophtalmologie. Au début, mon grand
père
devait acheter le ticket pour que je puisse être
examiné,
quand mon tour arriva, on me plaçait sur une chaise haute,
approcha mon visage d'une machine, puis me demandais d'appliquer mes
yeux aux deux viseurs, et le medecin m'examina... Au bout d'un
instant, il me dit : « c'est fini, viens avec
moi... ».
Mon
grand père
m'aidait à descendre de la chaise, nous suivions le docteur
vers la caisse, il dit à la caissière de nous
rembourser le ticket, on ne pouvait pas corriger ma vue avec des
lunettes, il me carressait la tête et nous saluait avec un
soupir. Je sentais que mon grand père était
triste, je
lui disais : « Grand père, laisse moi
comme ça ».
Il me prenait la main et sans rien dire et nous rentrions.
Et
nous continuions
notre vie, mon grand père et moi, il me racontait des
histoires, me lisait des livres sans jamais oublier de les illustrer
d'un dessin et moi je les écoutais et appliquais les dessins
à
mon oeil valide pour regarder, et pour moi le dessin semble se mettre
chaque fois à vivre... les aventures de Thach Sanh
terrassant
le monstre, l'histoire de la Tortue d'or qui offre
l'épée
à notre roi Lê. Encore maintenant, je garde
précieusement ces dessins qui sont depuis reliés
en
cahiers, et les histoires restent à jamais
gravées dans
ma mémoire, ce sont ses séances de lecture qui me
donnent maintenant le goût de la litérature, je
pense
qu'il m'accompagnera tout le long de ma vie.
Mais
retournons à
notre histoire, je vais vous raconter comment j'ai pu en fin de
compte aller à l'école et m'inscrire au Palais de
l'Enfance de Hanoi. Comme je vous l'ai dit, mon grand père
et
moi nous attendions patiemment une opportunité. Et elle est
arrivée.
Cette
année là,
on organisait au Palais de l'Enfance un concours de
« chant
et conte » réservés aux
enfants pendant les
vacances d'été... Nous nous décidions
de
participer à ce concours et nous nous attelions
immédiatement
à sa préparation. D'abord il faut aller
s'inscrire,
choisir une chanson, choisir un conte... après discussion
nous
nous décidions, pour l'histoire, de raconter la
légende
de la Pagode au Pilier Unique
et pour la chanson, de chanter « Tieng chay tren soc
bombo »,
nous choisissions cette chanson car je n'en connaissais aucune autre
et celle là était souvent diffusée sur
les ondes
de la radio de Hanoi. Mon grand père rédigea le
texte
de la légende, je l'apprenais assez vite et
bientôt
j'arrivais à le présenter sans
«souffleur»,
avec des expressions nécessaires, pour la chanson, c'est une
autre paire de manches, par chance nous avions appris qu'elle allait
être rediffusée sur la demande d'un auditeur, mon
grand
père s'empressa d'aller acheter un magnétophone
à
cassetes, et nous nous tenions prêt pour enregistrer la
diffusion. Et c'est ainsi que j'apprenais la chanson, comme un
perroquet, suivant la chanteuse dans le moindre détail, et
bientôt je pouvais la chanter avec assurance. Mais il restait
la musique d'accompagnement. Mon grand père me disait :
«Je
vais t'acheter une petite guitare, pour que tu aies l'air bien ! Tout
dépend de toi, suivre la cassette à la fois pour
les
paroles et la musique ». Aussitôt dit,
aussitôt
fait, il m'achèta une guitare. Avec la guitare,
j'écoutais
de nouveau la cassette, et de nouveau je suivais la manière
dont l'accompagnement se déroule et surtout là
où
le style de musique change car cette chanson a une partie moderne se
marriant avec une partie traditionelle.
C'était incroyable, mais avec mon entêtement
j'arrivais
à présenter cette chanson, bien entendu d'une
manière
toute relative, il ne s'agissait pas de me mesurer avec la chanteuse!
Mais pour un gosse, n'était ce pas une réussite?
J'étais confiant, et pensais sicèrement que je
passerais l'obstacle...
Et
puis le jour du
concours arriva. Nous étions présent. J'ai
attendu
jusqu'à tard dans l'après midi pour voir arriver
mon
tour. Quand on m'appelle, j'étais un peu inquiet, mais mon
grand père me prit déjà par la main et
me guida
vers la scène, et avant de me quitter il me chuchotte
« tu
fais comme à la maison, n'aies pas
peur ». Je
retrouvais mon calme, m'inclinai pour saluer la foule, je ne voyais
rien, et commençai : « Mes amis,
aujourd'hui
je vais vous raconter la légende de la Pagode au Pillier
Unique... » et c'est ainsi que tout se
déroule,
tant pis, je suis mon élan, je sens que ma diction
était
claire et j'étais à l'aise, l'histoire suit son
cours
jusqu'à la conclusion « voilà
l'histoire de
cette pagode, mon grand père m'y a emmené et a
même
pris des photos de moi à côté de la
Pagode, elles
sont très belles! Est ce que vous voulez les voir ? Je les
emmènerai dans la cours à la sortie pour
vous.. »
Je m'inclinais pour saluer, alors explosent les applaudissements, mon
grand père vint me chercher, il me chuchotte
: « tu
as très bien raconté, même moi je suis
pris par
l'histoire... » C'est fini pour le conte, reste le
chant,
j'ai dû attendre le lendemain, comme il y avait moins de
monde,
mon tour arriva en fin de matinée, la
présentatrice
annonça : « Et maintenant Thanh
Tung, numéro
... va nous interprêter « Tieng Chay Tren
soc bombo
suivant le style combinant la musique moderne et la musique
traditionelle etc etc.. » Je tiens ma guitare d'une
main,
l'autre la main de mon grand père et nous
avançions
vers la scène. En nous voyant les applaudissements fusent,
pendant un très long. De nouveau mon grand père
chuchote : « tu fais comme à la
maison, n'aies
pas peur » et me laissa seul. Alors je commence,
entrée
en musique, exactement comme sur la bande cassette! Et je chantais,
m'accompagnant à la guitare, la partie moderne puis le
passage
délicat vers le traditionel, puis c'est la fin, le salut. Je
croyais que c'est fini et attendais mon grand père, mais les
applaudissements se prolongeaient, des enfants montaient sur la
scène
et me mettaient dans la main des bouquets de fleurs, des bonbons, mon
grand père se précipitait pour m'aider, je le
suivais
sans rien voir ni comprendre...
Puis
le jour de
l'annonce des résultats, j'ai obtenu un prix
spécial et
une médaille d'or pour ce concours. J'étais
heureux,
mais mon grand père l'était certainement plus car
dorénavant je ne serais plus rejeté par les
autres. Une
autre bonne nouvelle arrivait pendant cet été
là,
le Palais de l'Enfance m'accepte pour l'activité
« conte »,
et l'école Van Ho me prendrait comme
élève à
la prochaine rentrée à condition de savoir lire
et
écrire. Encore de nouvelles difficultés. Je n'ai
jamais
appris à lire et à écrire! Mais, il
nous restait
encore trois mois, on ne va pas rater cette occasion! Mon grand
père
et moi, nous nous engageions alors dans une nouvelle période
de préparation. Mon grand père me dit
: « il
suffit de vouloir, et tu vaincras les obstacles. ».
La
détermination, je l'ai, mais comment apprendre à
lire
et à écrire, ça, je me remets dans les
mains de
mon grand père.
Une
fois estompée
le remue ménage du concours, après que mon grand
père
achève les préparatifs, nous nous mettions au
travail.
Mon grand père est évidemment le
maître. Je
commence par apprendre l'alphabet A B C... il sortait d'une petite
boîte des petits cartons, sur chacun est écrite
une
lettre, il me montrait chaque carton comme pour les dessins qu'il
avait fait avant, et dit : « ça
c'est la
lettre A ». Je le contemplais quelques instants,
puis le
pose, et mon grand père pique un autre carton
: « ça,
c'est la lettre B », et ce jour là, j'ai
appris une
dizaine de lettres. Ces dix cartons, je les gardais toute la
journée
et de temps en temps je les approchais de mon oeil et
répétais
« ça c'est la lettre
... » et quand nous
nous préparions à nous mettre au lit, ces dix
lettres
sont déjà ancrés
profondément dans ma
tête. Je rends ces carton à mon grand
père, tout
en lui lisant chaque lettre, il éclatte de rire en me disant
« à ce rythme il ne te faudra pas long
temps pour
savoir lire et écrire ». Sa joie me
remplit de
bonheur et j'étais confiant que je réussirais
à
réaliser ce qu'il me dit.
Au
bout de cinq jours
je connais l'alphabet vietnamien, puis à épeler
les
mots, toujours avec ces cartons mis côte à
côte,
du plus facile vers le moins facile jusqu'au jour où je
commence à épeler les lettres sans aide, je
commencçais
à lire, j'étais fou de joie, ce n'est pas si
difficile
que ça après tout! Mon grand père et
moi, nous
nous tournions alors vers l'apprentissage de l'écriture. Et
de
nouvelles épreuves m'attendent. Mon grand père
m'a
acheté une ardoise avec des lignes blanches pour
l'écriture.
Mais les lettres que mon grand père trace sur l'ardoise sont
plus petites que celles des cartons, je dois coller mon visage contre
l'ardoise pour les lire, certaines lettres dépassent vers le
haut d'autre vers le bas, mon visabe était plein de craie,
mon
grand père me les enlèva avec son mouchoir. De
plus ma
concentration provoque des larmes. C'était dur! Mais je
tenais
bon et obtenais des résultats, et surtout offrir
à mon
grand père l'espoir de me voir aller à
l'école à
la fin des vacances. Je me préparais un nouveau programme :
lire directement les livres, cela m'excitait au plus haut point, car
j'aime les histoires, et mon grand père
m'achètait des
livres pour enfant. Je dois coller le livre à mon visage,
les
mots longs m'obligent à épeler pour les saisir,
mais
petit à petit, j'arrive à lire couramment. Et mon
grand
père me proposait alors de recopier certains passages, au
débuts des courts, puis peu à peu des plus longs.
En
fin de compte je maitrisais la lecture et l'écriture, puis
je
me mettais au calcul, l'addition et la soustraction. Je continue
à
être inquiet, même avec ce que je sais maintenant,
est ce
suffisant? Mon grand père me rassure : « il reste
encore la multiplication et la division, mais ça, la
maîtresse
à l'école va te le montrer, quoiqu'il en soit je
crois
fermement que tu seras accepté à la
rentrée ».
Et
c'est vraie, cette
année là, allant sur mes huit ans, je
commençais
l'école à la classe 1
, mais je reste dans cette école de Van Ho
jusqu'à la
classe 6 seulement, car un autre événement va
dévier
le cours de ma vie, cela je le raconterai plus tard.
Je
vais vous dire
maintenant comment je viens à la musique et pourquoi je suis
attaché à cet instrument qu'est le Dan Bau,
probablement jusqu'à la fin de ma vie...
C'était
pendant
cette période où j'étais admis au
Palais de
l'Enfance, un jour en écoutant la radio avec mon grand
père,
j'ai entendu pour la première fois jouer un instrument qui
m'est inconnu, le son est étrange, beau et triste, j'ai
l'impression qu'il berce et qu'il chante, j'ai deamandé
à
mon grand père ce qu'est cet instrument, il me dit que
« c'est
un instrument traditionnel vietnamien », et sur la
lancée
« je vais t'en fabriquer un et comme ça
tu le
vois ». Et comme toujours, il réalise ce
qu'il dit,
deux jours après il m'a construit un Dan Bau, pas trop
grand, avec un morceau de bambou, une boîte de conserve, le
fil est
pris dans un cable de frein de vélo. Du point de vue formel,
c'est un bien un Dan Bau, du point de vue musicale, c'est moins
évident, je l'aime beaucoup car il m'a
révélé
comment fonctionne le mystérieux instrument. Et mon grand
père
et moi commençions à essayer de tirer quelques
sons de
cet instrument. Au début rien ne sortait, on entend juste
« ping ping ». Mon grand
père me
dit: « je vais t'inscrire au cours de Dan
Bau au
Palais », et il a obtenu que je suis les deux cours,
celui
de conteur et celui de Dan Bau. Sans instrument et n'ayant eu aucun
cours de musique, je ne peux que rester dans mon coin à
regarder mes camarades apprendre: comment tenir l'instrument, comment
pincer la corde, comment varier la tension etc..En
vérité
j'écoutais, car je ne vois rien, à la maison
j'essayais
d'appliquer tout ce que je saisis sur l'instrument rudimentaire que
mon grand père m'avait construit. Je m'aperçois
que les
cours n'ont pas été inutiles, au bout de quelques
jours
j'arrive à tirer d'autres sons de mon instrument. Au palais,
j'écoutais, à la maison j'appliquais en
tatonnant. Puis
un jour je provoquai la surprise générale de ma
famille
en jouant, approximativement, une chanson pour enfant. Mon grand
père
éclatte de rire et me prend dans ses bras
: « tu
es un as ». Il propose de m'acheter un vrai Dan Bau,
un
pas trop cher, que l'on vend à la rue Hang Gai. Ma grande
mère
et mes parents approuvent immédiatement, et cet
après
midi là, je suivais mon grand père au magasin de
musique. Je touchais le nouveau instrument avec bonheur, et depuis ce
jour, je commençais à m'entrainer au Palais, mon
professeur d'alors, Mr Xuân Thi m'entraine
consciencieusement,
sachant que je ne connaisais pas le solfège, il me guidait
oralement en me tenant la main. J'apprenais à jouer sans
connaître comment sont faites les notes de musique. Beaucoup
plus tard, lorsque à l'école Van Ho, je sais
comment me
débrouiller avec mon oeil au dixième de vision
pour
lire, que Mr Xuân Thi commence à m'apprendre
à
lire les notes sur les cinq lignes.
Quant
à mes
études, je les faisais avec difficulté, mais j'ai
la
chance de rencontrer des maîtres qui me comprennent et
m'apprécient, j'arrivais à être au
même
niveau que mes camarades malgré mon handicap, mes camarades
de
classe aussi m'aident sans compter, tous sont devenus mes amis, ils
venaient nous chercher à la maison, mon grand
père et
moi, pour aller à l'école. Je n'étais
pas isolé
et j'allais à l'école avec bonheur, d'autant
plus, j'anime la classe avec mes chansons et mon Dan Bau.
Puis
c'est la
catastrophe. Un jour, en pleine classe, mon oeil lache, tout d'un
coup je ne vois plus rien, j'entends ma maîtresse et mes
camarades, mais je ne vois plus personne. Je tatonne avec ma main,
l'ami à côté de moi est toujours
là. Alors
je hurlai : « Madamme
... ». Sa voix me
parvient: « Tung, tu veux quelque
chose? ».
Alors j'éclatte en sanglot
: « Madamme, je ne
vois plus rien, ni vous ni mes camarades ». La
classe est
figée dans le silence. J'entends la maîtresse
s'approchant de moi et doucement elle me dit
: « Tung,
tu me vois ? ». J'écarte mes yeux, tout
est noir :
« Non, je ne vois rien ». Alors
j'entends des
camarades qui éclattent en sanglot, et la voix de ma
maîtresse
: « Tung, quel
malheur ».Je me rappelle
long temps de cette dernière parole, et jamais je n'oublie
le
ton de sa voix. La classe s'arrête et mes amis me
ramènent
à la maison. En chemin personne ne parle, j'entends parfois
un
pleur refoulé.
Que
dire de plus, le
tristesse de ma famille est immense, ma grande soeur est
couchée
là, moi malgré mes yeux, j'arrivais jusqu'ici
à
me déplacer seul, entrer et sortir de la maison, maintenant,
je vais me cogner partout, il me faut de l'aide, surtout que le
logement est petit. Les premiers jours, quand pour moi il n'y a plus
aucune lumière, la vie est bien difficile. De plus tout ce
que
j'ai appris à l'école Van Ho, je ne peux plus ni
les
recopier, ni lire les livres, il ne reste que ce qui est retenu dans
ma mémoire. Cependant, cependant, je rencontre de nouveau la
chance. C'est à cette époque que
l'école pour
enfants malvoyant Nguyen Dinh Chieu
à Hanoi commence ses activités. On y enseigne le
braille. Immédiatement mon grand père contacte
l'école
et cherche à emprunter des livres d'enseignement.
L'école
a répondu favorablement, non seulement elle lui fournit des
livres mais aussi la planche et le crayon pour écrire le
braille ainsi qu'une rame de papier. En fait, c'est plutôt du
carton, car c'est beaucoup plus épais que le papier, et le
crayon est une pique pour perforer. Tout est étrange pour
moi
et les fournitures n'ont rien à voir avec celles des
écoles
d'enseignement général. Un enseignant explique
à
mon grand père les méthodes, puis lui
même met
quelque jours pour apprendre les caractères braille. Ainsi,
en
quittant l'école Van Ho, j'entre dans une nouvelle
période
où tout est à refaire.
De
nouveau mon grand
père et moi nous tatonnions dans l'apprentissage de ces
caractères tactiles, reconnaître les cases, les
six
points, leurs combinaisons, comment trouer, et puis surtout ceci,
normalement on écrit de la gauche vers la droite, et lire
dans
le même sens, pour le braille on doit écrire ou
plutôt
trouer, de la droite vers la gauche, pourqu' une fois fini on
retourne la page pour la lire de la gauche vers la droite en
reconnaissant les points avec les doigts. C'est beaucoup plus
difficile, cependant à force, j'arrive à
m'habituer et
à maîtriser ces caractères, puis je
passe au
chiffres pour faire les calculs et autres choses encore que je dois
mémoriser, pour être prêt pour la
rentrée .
Mais
mon passage à
l'école Nguyen Dinh Chieu est assez court, j'y suis les
cours
de la classe 6, ainsi que la classe de Dan Bau, mais avant la fin de
l'année scolaire le Conservatoire de Musique de Hanoi est
venu
selectionner un certain nombre de jeunes malvoyants qui ont des
aptitudes en musique dans le cadre d'un programme d'aide
internationale. J'ai la chance d'être parmi les choisis, et
une
nouvelle vie commence pour moi comme élève
pensionnaire
au Conservatoire de la Musique de Hanoi.
Trois
soigneurs nous
assistent, pour manger, pour dormir ainsi que pour les
études.
Nous suivons un programme d'enseignement général
et
musical de deux ans au Conservatoire, qui nous permet d'approfondir
nos connaissances tant en musicologie qu'en solfège, et
notre
niveau progresse rapidement. Les enseignants de l'école
Nguyen
Dinh Chieu viennent aussi nous donner des cours en braille.
Après
ces deux années nous passons un examen pour être
dans le
cycle intermédiaire. Mes amis et moi avons tous
réussi.
Mes amis restent à l'internat, ils doivent payer les repas ,
mais pas le loyer. Quant à moi, je demande à
revenir
chez moi, et chaque jour, mon grand père m'accompagne
à
l'école, puis il attend que je finisse pour me ramener. Dans
le cycle intermédiaire, nous sommes
mélangés
avec les voyants, avec un même programme, dans une
même
classe. On m'a permis d'emmener la planche pour noter les cours, mais
souvent je n'arrivais pas à suivre, mon grand
père
m'achète alors un petit enregistreur à cassette
pour
enregistrer les parties qui me manquent.
Dès
la première
année du cycle intermédiaire, je suis
scrupuleusement
les cours, y compris ceux de moindre importance. J'ai choisi
d'étudier la musique traditionnelle et les musique du monde,
le module de musique traditionnelle est enseignée par des
spécialistes du Dan Bau. D'une manière
générale
je réussis bien les examens avec des notes très
élevées. Mon grand père m'aide
beaucoup, les
livres d'enseignement musical sont nombreux, cependant rien n'est
publié pour les malvoyants, mon grand doit les lire pourque
je
puisse les enregistrer, chaque fois que j'ai des problèmes
pour lire les notes, je demande à mes camarades de m'aider.
Voyant cela, mon grand père se met aussi au
solfège, et
petit à petit il arrive aussi à
déchiffrer les
notes, et plus tard lorsque j'atteint les classes
supérieures,
il m'aide en lisant les notes et les transcrire. Certain de mes
prfesseurs trouvent que les partitions de mon grand père
sont
plus belles que celles des étudiants !
En
troisième
année du cycle intermédiaire, convaincu de mes
aptitudes, la direction du Conservatoire me propose de suivre les
cours de composition, et après une serie de
contrôles
j'ai l'autorisation de suivre en parallèle les cours de
composition et les cours de musique traditionnelle,
spécialité
Dan Bau. Puis j'ai terminé les quatre ans du cycle
intermédiaire de Dan Bau et atteint ma deuxième
année
du même cycle en composition. Je passe le concours pour
l'université pour le Dan Bau et de nouveau continue mes
études
parallèles qui se déroulent non sans
difficulté.
Puis
je termine les
quatre années d'université pour le Dan Bau, et en
2005
je dois terminer le cycle universitaire pour la composition. En
troisième année en composition, j'ai obtenu un
prix
special dans un concours de composition pour un ensemble traditionel.
Bietôt
ce sera
la fin de ma vie d'étudiant, en pensant à cela je
me
sens triste, tous les rencontres que j'ai faites, les maîtres
qui m'ont formé, aidé, les camarades, les amis
qui vont
se disperser dans la vie active, ils vont fonder une famille,
participer à la société, et pensant
à
moi, handicapé visuel, je me demande quelle sera ma vie et
d'une manière plus générale celles de
tous les
handicapés visuelles comme moi, malgré tout nous
sommes
déterminés à surmonter les obstacles
pour nous
intégrer à la société.
Injuste le destin
d'un handicapé, surtout lorsqu'il est aveugle, sans
lumière,
il ne reste que l'ombre.
Je
sais que ce n'est
pas facile, sur les bancs de l'école, en discutant avec mes
amis, j'ai toujours compris que la vie est difficile, si on ne sait
pas se perfectionner, si on ne sait pas surmonter les obstacles pour
s'élever, on ne sera jamais quelqu'un d'utile pour la
société,
pour la famille, et pour soi même. C'est pour cela qu'en
cette
ving-sixième année de ma vie, je continue
à
apprendre, à apprendre encore, car je sais que le savoir est
immense, et que l'homme est peu de chose devant cette
immensité,
et pour devenir un homme véritablement utile aux autres,
pouvant apporter quelquechose aux gens, il n'y a qu'un moyen, celui
d'utiliser toutes ses capacités pour étendre ses
connaissances, avancer, surtout pour les aveugles comme moi, et pour
les handicapés en général, dans cette
société.
01/06/2005
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Vietnam
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